Norsaga est un jeu du tout petit éditeur Meromorph publié en 2015 grâce à un financement participatif réussi. Imaginé par Matthiew et Kevin Bishop, les fondateurs de la structure éditoriale et les auteurs de l’efficace Shipwreck Arcana, il est aussi leur tout premier jeu et ça va malheureusement vite se ressentir.
Les règles en français sont disponibles directement sur le site de l ‘éditeur mais il faudra exhumer le fichier des cartes de leur tout premier kickstarter. La version généreusement offerte ne comprend malheureusement pas les illustrations finales mais l’ambiance cartoony qui en ressort possède aussi son charme.
Pour jouer à la V1 de Norsaga, il vous faudra imprimer 76 cartes (dont seulement 4 recto-verso) et posséder une cinquantaine de marqueurs de couleurs différentes (ou moins si vous n’envisagez pas de jouer à 5 joueurs constamment). Le jeu demandant d’accoler des cartes pour former des arbres généalogiques, ne vous amusez surtout pas à bidouiller votre fichier pour agrandir les supports visuels comme j’ai eu la maladresse de le faire.

Gagner à Norsaga vous demandera d’organiser carte par carte votre arbre généalogique dans le but d’affirmer avant vos adversaires la puissance et la légitimité de votre lignée, celle qui fait de vous un véritable héros et non l’un·e de ces nombreux·ses affabulateurs ·trices de bar brodant sur des histoires anciennes. En liant entre eux des ancêtres différents, vous bénéficiez petit à petit de leur ADN, leurs allèles dominants ou récessifs déterminant les grandes caractéristiques d’une lignée et donc les pouvoirs que vous allez avoir la possibilité de déployer. Il est possible d’interchanger des ancêtres, modifiant à la volée le récit enivré de votre famille que vous êtes en train de conter devant votre chopine (thématiquement). Il est aussi possible de vaguement pourrir l’arbre généalogique d’un·e voisin·e en y néantisant un vénérable barbare de son passé.
Fait amusant et agréablement progressiste, le jeu spécifie discrètement qu’un·e participant·e peut tout à fait avoir deux mamans ou deux papas et bien qu’il soit évident que cette précision n’existe que pour éviter d’enrayer les engrenages ludiques, ça fait tout de même plaisir à lire.

Norsaga se joue comme un puzzle à compléter avant les joueurs concurrents. En découle une quasi absence d’interaction assez glaçante. Le jeu prévoit théoriquement des options permettant de s’immiscer dans le plan minutieux des concurrent·es mais uniquement si iels se lancent dans une stratégie complexe, dangereuse et plus ou moins inutile quand on voit l’ensemble des autres options proposées. Les pouvoirs sont tellement peu fluides qu’ils se présentent sous forme de tableau.
Le thème tarabiscoté donne lieu à un squelette ludique assez intéressant mais qu’il s’avérera difficile à expliquer et à entremêler avec les terminologies obligatoires. La proposition aurait été plus abordable si ses créateurs s’étaient dirigés vers un univers plus abstrait, ne laissant au joueur / à la joueuse qu’à décrire succinctement les conditions de poses de cartes, au lieu de les obliger à justifier thématiquement chaque action étrange. Les idées sont bonnes, les pouvoirs nombreux et modulables mais le jeu est rigide, anguleux et ne coule pas de source. Le fichier mis à disposition des bricoleur·euses est, de plus assez limité, n’incluant qu’un nombre très restreint de personnages. La répétitivité visuelle finie d’accentuer le malaise systémique.

L’extension odds and ends démultiplie la complexité du jeu et le fait passer d’un petit jeu d’apéro trop rigide à un vrai casse tête avec des options sans cesses renouvelées mais n’est pas dispo en print and play. En outre, il se pourrait que le jeu en devienne encore plus complexe à expliquer à un public néophyte. L’éditeur précise que l’extension est le fruit d’années de playtesting destinées à raffiner le jeu et je le crois volontiers. Ça nous laisse cependant avec un fichier PNP qui pourrait s’apparenter à une béta un peu bancale, au gout de motte de neige à moitié fondue.

J’aime l’idée de Norsaga sans toutefois avoir encore réussi à en jouer une partie fluide et satisfaisante. Je souhaite de tout cœur être le seul dans ce cas mais ne pourrait quoi qu’il en soit vous pousser à tenter l’aventure, sauf si le principe du jeu et la curiosité vous l’intiment. Norsaga n’est probablement pas un mauvais jeu, simplement un mauvais print and play en l’état.
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