Omniana

Omniana est un jeu d’ambiance d’une simplicité enfantine qui en appelle au plus fondamental de nos ébats de gamin·es : l’affrontement fantasmagorique titanomachique de créatures psychédéliques hallucinantes, absurdement surpuissantes.

Lick a frog, get high kind of vibe,
Chris Ramsey

Omniana est un terme anglais qui ne semble pas avoir véritablement d’équivalent français. On peut lui apposer le sens de « bribes disparates d’informations sur toutes sortes de choses ». Les fichiers du jeu se trouvent gratuitement chez PNParcade ou directement sur leur site web, Omnianathegame.com mais toujours en VO. Quoi qu’une impression en niveau de gris fonctionne parfaitement, le jeu est aussi disponible en version Low Ink sur sa plateforme officielle pour les prudents du toner. Omniana est composé d’une grosse poignée de cartes, 81, scindée en deux decks inégaux à protéger un minimum mais sans forcément beaucoup de soin.

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Le principe d’Omniana est infiniment réjouissant:
Chaque joueur / joueuse dispose d’une main de plusieurs cartes décrivant un panel de créatures. Le·a joueur·euse dont c’est le tour choisit une carte de créature de sa main puis sélectionne un·e adversaire qu’iel va attaquer. Ledit/ladite adversaire se défend à l’aide d’une de ses propres cartes de créature et d’une carte de lieu qu’iel avait préalablement mis de coté au début de la manche, pour cette occasion. Les deux protagonistes lisent les caractéristiques de leur carte respective à haute voix et brodent librement sur les concepts qui y sont présentés, argumentant de qui gagnerait un tel combat. À la fin de leur plaidoirie, les joueur·euses n’ayant pas pris part à l’affrontement jugent du vainqueur.

Si l’ossature d’Omniana, des plus épurée, pourrait rebuter les pratiquants inquiets à l’idée de se lancer dans des duels d’imagination pure, elle est pourtant totalement transcendée par la folie furieuse des descriptions des cartes, terreau merveilleusement fertile à la plus aride des psychés. En sus, l’hilarité ambiante qui suit systématiquement la découverte d’un nouveau monstre puis ne serait-ce que les plus basiques des tentatives d’achèvement amène les participant·es à essayer de trifouiller ces idées folles.  Le jeu peut se dérouler comme un procès, les avocat·es enchaînant les propositions objectives de victoires ou comme un combat à mort au déroulé fusant et fébrile, comme un ping-pong intense de réparties et de retournements de situations très spécifiques. 

The ‘argueing your case’ element of the game makes this especially fun/scary to play with passionate people. Slides_the_dog

Omniana a été joué -et donc rodé- en live 10 ans durant sur la scène d’un petit comedy club de Philadelphie dans le cadre d’une performance d’improvisation appelée « the Ministry of Secret Jokes comedy show« . Le jeu, autopublié une première fois en 2006 dans un format bien plus sombre, élégant mais dont les allures tendaient à diriger vers un imaginaire aux accents plus burtonien a été édité artisanalement à 100 exemplaires dont on peut constater le look sobre et arty sur BGG puis fut remplacé fin 2019 par une tentative d’édition via crowdfunding qui le voit totalement transfiguré dans une version pop colorée acidulée qui sied au final bien mieux aux excès délirants de ses créatures conceptuelles. L’ancienne édition est plutôt belle mais aussi trop sombre et un peu maussade, n’éructant pas la joie et l’extravagance comme le fait la nouvelle version (qui, moins précieusement stylisée, parait toutefois bien plus générique, il faut le concéder).

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Le kickstarter fut malheureusement un échec mais le créateur, plein de ressources, décida d’opter pour un système de vente en direct, incitant à l’achat en mettant en ligne une preview assez conséquente du jeu. Cette version PNP gratuite, quoi qu’incomplète, dispose de suffisamment de matière pour qu’Omniana ne devienne pas répétitif avant un bout de temps, en fonction des joueur·euses et de leurs affinités imaginaires, tout en profitant de règles mises à jours très intelligemment fluidifiées.  Ces nouvelles règles transforment un affrontement rigide trop régulé en bastonnade libre bien plus exaltante et bien moins guindée.

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Les cartes sont, comme l’ont constatés certains chroniqueurs un peu lourdement,   tristement vides lorsqu’on les scrute avec un peu de recul. Tristement car nous les aimons généralement infiniment foisonnantes mais c’est cependant totalement nécessaire au flux du jeu qui ne doit souffrir d’aucun élément déconcentrant et qui doit à tout prix éviter de restreindre la créativité des joueur·euses par des exemples mal venus. Un habillage discret mais présent aurait pu s’avérer tout de même de bon ton mais le dépouillement est souvent de mise dans les party game rapides. En outre, cette absence de repères visuels sur les cartes donne au jeu un coté volatile et facile à dégainer.

C’est d’ailleurs grâce à ça qu’il est extrêmement aisé de créer ses propres cartes, quelles que soient les méthodes de génération de l’objet fini que vous déciderez d’employer. Donnez libre cours à votre imagination. Peut-être qu’un·e joueur·euse décidera  de retranscrire un jour de la sorte les cartes en français. La démarche s’avérera sacrément utile, l’anglais restant parfois véritablement limitant. Même les habitué·es de la langue ânonneront un minimum en déclamant les cartes et en les traduisant à la volée.

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Omniana n’a absolument aucune valeur stratégique. Le score importe peu tant il peut être pondéré par la subjectivité des participant·es et sa répartition pourra s’avérer aléatoire. Omniana est un jeu d’apéro total, idéal lorsque les fins de godets commencent à s’accumuler et qu’il faut gamberger et mouliner de plus en plus pour trouver les excuses les plus incroyables aux victoires les plus improbables. Omniana ressemble un peu à une version délirante et échevelée du talon d’achille dont nous avions parlé il y a maintenant bien longtemps. L’inventivité des concepteurs du jeu est fabuleuse.


Omniana se joue plutôt bien a 3 (même si le risque d’un aller-retour constant entre deux mêmes joueur·euses existe) tout en s’exprimant pleinement à bien plus. Le jeu profite  bien d’un public étoffé, démultipliant à la fois les crises de rires et les idées farfelues imprévues. Il se joue aussi aisément sans surface –ma petite obsession du moment– et il est tout à fait possible de limiter l’apport de cartes en main pour atténuer le temps de réflexion et de lecture.

En bref, investissez Omniana exactement comme vous le sentez, en usant de bouts de cartons, en traduisant les cartes à la va-vite, en en inventant d’autres reposant sur vos délires amicaux mais lancez-vous dans Omniana quoi qu’il en soit. 

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