Outside these city walls

Outside these city walls, jeu solitaire inconnu au bataillon dont personne ne fait mention nulle part, me faisait de l’oeil depuis fort longtemps. L’intensité de l’encrage de la vingtaine de cartes recto-verso m’a toujours retenu par la manche jusqu’à ce que la soudaine accession à une imprimante un minimum fonctionnelle me fasse passer le pas. Les règles et les cartes se téléchargent gratuitement sur boardgamegeek ou directement sur le site de l’éditeur. Aucune différence véritable dans ces fichiers, la version de l’éditeur condensant seulement celle de bgg en un seul document.

Relativement mal expliquée, la finition des cartes demande un peu d’attention. Il faut en effet plier chaque feuille en son milieu de façon à rapatrier les recto et verso qui se font secrètement déjà face. Contrairement à Shipwreck Arcana, aucune ligne de séparation ne facilite (ni n’explicite, d’ailleurs) le processus. Malgré des efforts surhumains, les décalages ainsi créés ressortent parfois misérablement. C’est un peu frustrant. Fort heureusement, le principe même d’Outside these city walls permet une certaine permissivité dans la précision de la découpe finale des cartes. Raboter les bords blancs loupés au prix de cartes aux largeurs aléatoires est concevable et rend l’expérience un poil plus agréable qu’en conservant de potentiels liserés blancs.

Absolument pas inspiré par l’énergique chanson du même nom, Outside these city walls met en mouvement un voleur et une voleuse aux noms déstabilisant d’Amy-Bass et de Zeke. Les deux compères espèrent échapper à la milice (quitter le plateau constitué par les cartes) avec le fruit de leur larcin nocturne mais tous deux cachent un objectif secret. Amy-bass veut subjuguer l’indifférent Zeke grâce à un charme de sorcière, Zeke veut contracter un mariage rentable qui le catapulterait des rues à la cour du roi. Chacun des deux profite donc de ses zigzags citadins pour récolter des ressources éparses qui feront prédominer leur plan. Les règles sont tellement sobres qu’elles peuvent en devenir sibyllines. Dans le doute, fiez-vous précisément à ce qu’indique le papelard, sans le questionner.

Profondément solitaire (jusqu’aux détails thématiques, parfois), Outside these city walls se présente sous forme de trois colonnes de 8 cartes. Le point de départ se situe systématiquement en bas. On trouve à l’opposé l’inamovible point d’arrivée, l’apex des murailles de la cité. Toutes les autres cartes sont disposées aléatoirement. Seuls trois checkpoints sont à garder recto visible. J’ai beau apprécier ce genre de mise en place, deux colonnes de 8 cartes signifie immanquablement que les dernières seront un peut trop éloignés de n’importe qui. Pour atteindre l’extérieur, Zeke et Amy-Bass doivent arpenter la ville au rythme de lancers de dés.

Deux D6 sont lancés. On en assigne un à chaque personnage qui peut ainsi se déplacer d’un nombre de carte égal ou inférieur au résultat obtenu. Chaque personnage ne peut s’arrêter que sur une carte de sa propre couleur. Si ça s’avère impossible, c’est la fin. La patrouille rattrape les tourtereaux et la justice fera le reste. Avant de traverser à deux la case de sortie, il faudra faire quelques détours. Il faudra en l’occurrence passer par chacun des trois checkpoints au même moment. Par trois fois, les personnages devront se retrouver ensemble sur la même carte checkpoint pour la désactiver.

Lorsqu’un personnage quitte une carte il la retourne, révélant ainsi la couleur de l’autre protagoniste, ou l’empoche, créant un trou dans le parcours global. La géographie urbaine évolue donc sans cesse, coupant des routes potentielles à mesure que le voleur ou la voleuse les arpente. Un des quatre épilogues disponibles se débloque à la fin de cette fuite effrénée en fonction des symboles récoltés par les personnages. Chacune des cartes est aussi habillée d’un court texte qui décortique méticuleusement l’état d’esprit, la psychée, le passé de celui ou celle qui l’atteint. Les recto et verso se répondent intelligemment, en se concentrant sur les émois, déboires et tourments du pion qu’ils accueillent.

D’un « heureusement » puissamment paradoxal, deux pages complètes de notes sont passées à la trappe lors de l’écriture de cet article grâce à une petite mention discrète de l’éditeur que je n’avais absolument pas gardée en tête. On peut en effet lire dans le petit texte de présentation du jeu une mention à laquelle je n’avais accordé foi: Outside These City Walls is a short story in puzzle form.

Et ça change tout. Il faut expérimenter une aventure complète pour s’en rendre compte car la formulation accompagnée plus tard de l’appellation ‘jeu de carte en print and play » peut initialement prêter à confusion en ressemblant à une dénomination générique, une simple caractérisation, la précision de la proposition d’unicité du jeu. En vérité, ce n’est pas un mécanisme sous-tendu qui rehausse un jeu de carte, c’est bel et bien l’inverse. Outside these city walls est une expérience narrative sous forme de paquet de carte. Assez semblable à un game poem, Outside the city walls n’est un jeu qu’en raison de son utilisation de mécaniques ludiques.

Celles-ci ne sont pas calibrées pour proposer un défi satisfaisant à surmonter, elles existent en tant qu’expérimentation d’un système de randomisation narratif. Le site de l’auteur le confirme d’ailleurs assez vite car Outside these city walls y est accompagné de nombreux autres essais de renouvellement de story-telling purs et durs. Interdiction d’approcher Outside these city walls comme un jeu. Ses multiples imperfections vous en dégouteraient. En revanche, c’est une lecture touchante et humaine; la poésie romantique et romanesque qui s’en dégage est indéniable. Morcelées, les révélations sont d’inégales importances mais créent un patchwork psychologique un tantinet émouvant, à travers des personnages moins évidents qu’il n’y parait. Sous son concept narratif, Outside these city walls, récompensé d’un prix australien, est une réussite qui mérite que vous lui accordiez une chance, sous réserve que vous ne bruliez ni trop de temps ni trop de ressources dans son accession au monde physique.

Les parties sont extrêmement courtes, extrêmement faciles. Vous retirerez un certain plaisir de découverte 4 ou 5 fois avant d’avoir pleinement exploré sa proposition ludo-narrative, à la condition sine qua non de fixer vous même les objectifs de vos parties, cependant. Il est à priori tout à fait possible de raffiner ce pseudo-jeu de façon à créer un véritable objet ludique mais je ne m’y attèlerai probablement jamais. Ma copie sera probablement offerte un jour à quelqu’un qui découvrira la délicatesse de cette histoire de la même façon que moi puis qui, je l’espère, la transmettra de la même façon. Ça siéra bien à la poésie de cette histoire d’amour tragique au petit coté shakespearien, tandis que je reprendrai une petite partie de Spell saga.

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