Il serait parfois bon que j’arrive à oublier cet article sur le coût du PNP qui me hante depuis mes débuts désargentés dans cette pratique. Il serait aussi bon que je me lance dans des projets plus conséquents. Pas forcément plus complexes, juste un peu plus denses. Le risque d’une déception bien plus vive car issue d’une plus grande implication manuelle serait contrebalancé par l’amoindrissement de la possibilité même d’être intrinsèquement déçu puisqu’un plus gros jeu signifie souvent une production plus professionnelle. Après quelques expériences ludiques issues de concours qui me sont totalement passées au dessus, il était temps d’essayer de renverser la tendance en renversant ma tendance (aux micro-jeux) .
Arrive ainsi à la rescousse Until daylight, jeu de survie coopératif aussi bien léché que frénétique pour 3 à 5 joueurs et joueuses. Il existe une variante officielle pour 2 personnes, en français d’ailleurs, mais bien qu’extrêmement logique et tout à fait fonctionnelle, elle ne constitue pas la meilleure façon de profiter de cette expérience effrénée au style visuel assez représentatif de l’indé nord américain.

Le jeu, en anglais, est composé d’une bonne grosse poignée de cartes de tailles variables. Pas de plateau, pas de pions, seulement des rectangles classiques. Un projet idéal pour se pousser un peu à mieux faire sans trop sortir de sa zone de confort. Les cartes personnages peuvent accueillir deux roulettes destinées à garder trace des points de vie et de leadership mais un ensemble de jetons dédiés peut tout aussi bien faire l’affaire. Des barricades de papier sont aussi à découper à votre convenance mais s’exécuter grossièrement ou se contenter d’en faire des cartes suffit amplement. Le montage final n’a pas grand chose de compliqué, en somme, bien que l’on parle malgré tout d’un total d’environ 320 cartes. Ça n’est pas rien. Le micro format d’une double-centaine de celles-ci permet d’économiser pas mal de papier mais l’impression totale dépasse quand même les 35 pages, pile ce qu’il faut pour laisser s’échapper un petit crissement de douleur à l’idée de se lancer. Les dés customisés proposés avec le jeu commercialisé ne sont absolument pas nécessaires. L’application de gestion temporelle non plus malgré un gain d’ambiance non négligeable.
On trouve les fichiers du jeu sur pnpparadise, qui les trouve lui même d’on ne sait où puisque ni boardgamegeek, ni le site du jeu ni son kickstarter ne les proposent. Le jeu a en outre subit une violente révolution, l’éditeur l’ayant totalement modifié trois ans après sa sortie. Méfiance donc car cette version semble pouvoir disparaitre sans laisser de trace à tout moment.

À ne pas confondre avec until dawn, un prédécesseur imprimable sans autre rapport que sa thématique, ou Until dawn, un prédécesseur non imprimable dans la même veine, Until daylight se joue en deux phases successives qui s’enchainent jusqu’à la mort d’un personnage (sonnant le glas de la partie) ou la résolution de la dernière vague de zombies (sonnant la vérification des conditions de victoire).
La première phase est primordiale car elle est temporellement limitée. Les joueurs et joueuses ont en effet deux minutes top chrono pour se préparer à la future vague d’agression. Il leur est possible d’effectuer une action à la fois, à tour de rôle, jusqu’à la fin du décompte. Ces actions se concentrent sur l’obtention (la pioche, donc) et l’usage de cartes de ressources physiques (armes, nourriture, médicaments, etc) , à partager et à combiner pour se protéger, maximiser ses possibilités d’attaque et s’assurer d’une survavibilité accrue. Il n’est pas possible de tout garder, les armes à feu nécessitent des munitions adéquates et certains personnages doivent composer avec bonus et malus qui impactent leurs options de stockage. La vague de zombies s’abat sur le joueur ou la joueuse dont le tour est encore en cours lorsque s’enclenche la seconde phase.

Cette seconde phase, plus calme, voit s’affronter les ludo-survivant·e·s et un mélange de divers monstro-zombies et de pillards qu’il faut à tout prix exterminer en minimisant les blessures reçues au passage. L’usage raisonné et efficient des cartes préalablement collectées sera fondamental mais des jets de dés viendront ajouter un hasard bien dangereux. Parmi les attaquants se cacheront parfois des victimes humaines qu’il faudra tâcher de rapatrier. Leur sauvetage sera aussi ardu que nécessaire puisqu’il sera impératif de réussir au moins une exfiltration pour prétendre à la victoire en fin de partie alors même que chaque apparition d’humain innocent sera accompagnée d’infâmes dilemmes.
La partie est gagnée si joueurs et joueuses sont capables d’éliminer totalement et sans perte les 10 vagues d’invasion tout en ayant récupéré au moins un badaud perdu dans la horde. La partie est perdue si l’une de ces conditions n’est pas atteinte ou si un personnage-joueur meurt en cours de route. Au milieu de tout ça sont graduellement obtenus des points de victoire, récompense de tueries ou d’atteinte d’objectifs personnels, qui débloquent des bonus et permettent de partager différemment la parole décisionnaire.
Irrésistiblement coopératif (quoi que mâtiné d’une certaine compétitivité discrète mais intelligente), thématiquement survivaliste et impérieusement à un maximum de joueur, Until daylight est simple à appréhender mais difficile à vaincre. Trouver comment se coordonner est totalement impératif dans ce jeu de gestion de priorités très réminiscent de Zombie 15″. Le bénéfice d’un plus grand nombre de joueur est quasiment exponentiel. S’acharner à piocher, se passer des cartes et à les fusionner pour créer des pièges dans les limites d’un chrono aussi serré génère une urgence fabuleuse.

Les règles peuvent à priori sembler laborieuses (surtout lorsqu’on s’attaque à la gestion de la horde qui n’est décimée que dans un ordre précis) mais une fois quelques éléments cruciaux maitrisés, les manches sont suprêmement fluides et les icônes disséminées sur toutes les cartes deviennent totalement évidentes au point de ne plus avoir du tout besoin de rappels. Il faut toutefois s’attacher à ne pas oublier quelques éléments discrètement prépondérants:
- avec seulement 5 survivant sur 85 cartes de horde, il est facile de perdre la partie en plein milieu de celle-ci. Il faut alors considérer si il est amusant d’essayer de survivre envers et contre tout sans possibilité de gagner formellement ou d’abandonner honteusement en cours de route sans probablement relancer de nouvelle partie (car until daylight est un jeu relativement long).
- La zone de jeu se divise en sous-espaces personnels. Attaquer des créatures d’une autre zone que la sienne attire des zombies vers soi (ce qui peut entrainer des blessures imprévues) et, bien qu’extrêmement utile comme mesure d’urgence, n’est pas toujours possible. En outre, cette ingérence parfois salvatrice, peut, par malchance, créer des pertes collatérales.
- Il y a bien plus à faire en phase de recherche que simplement piocher inlassablement en quête de nouveaux équipements. Trier les cartes, les répartir aux bonnes personnes et combiner ce qui peut l’être représente souvent un meilleur usage de son temps.
- Le rôle de leader est absolument primordial. Outre la fonction décisionnelle, le bonus attribué au personnage en tête est souvent indispensable. La guerre interne pour l’accession au rôle de leader peut aussi changer la courbe d’une partie.

Je suis totalement amoureux de ce jeu. J’aime la manipulation de son matériel, notamment des roues de suivi de PV et de ses toutes petites cartes de matériel. J’adore le bouillonnement et l’urgence de sa phase de préparation. J’appréhende autant que j’appelle l’apparition d’un survivant à sauver. Je me gausse des mauvais jets de dés et m’amuse des décisions à prendre à la va-vite tandis que tout le monde passe son tour le plus rapidement possible en criant « À toi » et en agençant brusquement ses cartes. Le jeu demande autant de réflexion qu’il requiert de réflexe et de vivacité. Il amène aussi à se pencher constamment sur les éléments dont disposent ses camarades et tout s’embraye admirablement. Certains lui reprocheront une dose d’aléatoire désagréable (puisque porteuse d’échecs imprévus problématiques), un travail de suivi tendu et des conditions de victoires sévères. Je ne suis pas de ces gens là. Le mélange de mutos et de charognards dessinés dans un style très comic book indépendant m’a bien facilement séduit.
Bien loin d’être exempt de défauts (une répartition de certaines cartes qui en font des objectifs illusoires, une petitesse d’écriture qui dessert l’appréhension rapide de l’ensemble de la tablée, des déséquilibres logiques dans les missions perso, une partie qui peut être irrémédiablement perdue très rapidement par simple manque d’opportunités, etc), Until dawn, son système, son ambiance et son style forment un ensemble inhabituel qui fonctionne malgré tout fabuleusement bien et qui, il me semble, est à recommander chaudement.
Subissant l’absolue disparition de toute luminosité intérieure de mon espace vital, je me suis permis d’emprunter des photos d’illustration de-ci de-là le temps de faire mes propres clichés.