A night in Deepwail Manor

Une nuit au manoir Deepwail, que nous appellerons simplement Deepwail pour la suite de cet article, est un push-your-luck conçu expressément pour le 2013 Solitaire PnP contest.

Grand gagnant de la catégorie Best Risk Management/Push Your Luck Mechanic, Deepwail se joue en solo ou à deux.

Pour y jouer, d’ailleurs,  vous devrez imprimer puis découper 35 cartes. J’ai renforcé les miennes avec du carton très fin de façon à les faire passer d’un simple deck de cartes à une simili pile de tuiles fines. Le jeu s’en retrouve sensiblement gonflé, semble plus dense et se manipule plus agréablement. Une fois ces cartes recto-verso assemblées, vous pouvez vous lancer dans votre première partie.

La porte s’ouvrit dans un craquement tremblant et les deux enfants jetèrent un coup d’oeil timide depuis le palier avant de pénétrer dans la pièce.

« Je le savais », dit le plus petit des deux garçons. « Nous sommes déjà venus dans cette pièce. »
« Non, pas du tout », répliqua le grand. Il sourit de confiance en scrutant la pièce avec sa lampe torche mais les ténèbres étaient si épaisses qu’elles semblaient avaler le faible rayon de lumière.

« Si! » se plaignit le petit enfant. « Je commence à penser que ça n’était pas une bonne idée. Peut-être devrions nous rebrousser chemin. Je ne voulais même pas venir. »

« Pour la dernière fois… Non, nous ne sommes pas déjà passé par là et tu sais que nous ne pouvons pas faire demi tour avant demain. Nos parents découvriraient que nous ne sommes pas allé à l’excursion. Et arrête de serrer mon bras si fort, tu me fais mal. »

« Je ne te tiens pas le bras », dit le plus petit après un court silence.

« Si, tu le tiens! », répliqua le grand, une pointe de nervosité dans la voix.

« Non, il ne le tient pas », dit une horrible voix grave à leurs oreilles tandis que la porte claquait derrière eux.

(Introduction officielle au jeu par l’auteur, traduit de l’anglais)

Comme le texte ci-dessus le suggère, vous incarnez deux enfants (garçon ou fille, en fait) testant leur courage en explorant de nuit les pièces inquiétantes du manoir Deepwail. Attention, la bâtisse ne semble pas si abandonnée que ça… Certaines choses obscures l’habitent encore et vous risquez de faire de bien vilaines rencontres. D’autant que le manoir est un vrai dédale et il est si facile d’y tourner en rond.

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Une partie bien mal engagée. Très peu de points (les EP), les deux personnages fatigués (couchés sur le coté) et terrifiés (face verso), ça sent l’échec imminent.

Vous posez les deux personnages de votre choix (sur les quatre à disposition) devant vous et, une fois bien mélangée, vous leur accolez la pile contenant toutes les autres cartes. Vous allez ensuite révéler une carte, puis une autre, puis une autre, jusqu’à ce que vous perdiez formellement ou décidiez de quitter le manoir de votre plein gré. Il n’existe que deux types de cartes dans cette pioche: les pièces et les rencontres. Une rencontre peut être parfois bénéfique ou principalement négative. Lorsque vous rencontrez quelque chose dans le manoir (aka, vous révélez une carte comprenant une créature), vous appliquez automatiquement son effet. Impossible d’y couper.

Si vous tombez sur une pièce, vous l’ajoutez simplement à la pile des salles que vous avez déjà parcourues. Chaque localisation vaut quelques points de victoire indiqués dans son coin supérieur gauche (les Exploration Points). Si vous étiez déjà passé par cette salle, les choses se compliquent et vous devez activer son effet (rarement en votre faveur).

Vos personnages disposent de deux faces: une calme et une terrifiée. Ils commencent tout deux sur la face calme. Lorsqu’un effet (de salle ou de créature) mentionne « panique », cela signifie que vous devez retourner l’un de vos personnages sur sa face terrifiée. Si vous ne pouvez plus retourner personne pour résoudre un effet, les enfants cèdent à leur peur et fuient le manoir. Vous perdez la manche. Cette dernière carte que vous avez choisi de piocher n’était visiblement pas une bonne idée.

Les enfants ne sont toutefois pas sans ressources et disposent chacun d’une capacité qu’il leur est propre. L’un peut jeter un coup d’œil aux prochaines cartes, un autre peut éviter l’effet de la prochaine carte… Ce pouvoir s’active avant de piocher une nouvelle carte de salle. Une fois utilisé, il vous faut coucher le personnage qui a usé de sa compétence spéciale. Tant qu’il est couché, il est considéré comme « fatigué » et ne peux plus utiliser son pouvoir avant de se redresser.  Les pouvoirs sont très utiles, voir salvateurs mais attention, certaines créatures ciblent tout particulièrement les enfants fatigués!

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La crypte, rencontrée deux fois lors de cette exploration, m’oblige à retourner un bambin sur sa face terrifiée. Si je ne peux pas le faire, je perd.

Une partie se joue généralement en trois manches dont les points s’accumulent. En solo, votre but est de dépasser constamment le score de votre précédente partie.  La variante à deux joueurs officielle propose de jouer un personnage par participant, faisant de l’aventure dans la vieille bâtisse une coopération. Ne trouvant pas vraiment d’intérêt à ça, j’opte généralement pour un concours de courage en bonne et due forme. Les deux joueurs alternent les manches et jaugent leurs avancées. Ça se joue généralement dans un mouchoir de poche, vous obligeant à prendre parfois de sacré risques pour grappiller de précieux points supplémentaires, quitte à tout perdre. Deepwail dure entre 5 et dix minutes et peut se jouer un peu partout.

With cards that test your decision making and four characters with different abilities, A Night in Deepwail Manor is the perfect game to play on a train ride, during a lunch break or around a campfire… if you dare!

La formulation est gentiment naïve mais je peux corroborer. Deepwail peut très bien se sortir dans un avion par exemple.

La tension du jeu se crée sur les une ou deux dernières cartes que vous allez choisir de piocher ou non. Opter pour la sécurité ne vous amènera jamais bien loin mais à la toute fin de la manche, il vous est tellement difficile de prévoir ce qui va vous tomber dessus que ça ressemble plus à un acte de foi qu’à un calcul bien réfléchi. Bien entendu, se souvenir de ce qui est dans la défausse et de ce qui reste à tomber par rapport à ce que nous avons déjà retourné reste un atout mais qui ne se révèle qu’après une persévérance acharnée et une mémorisation du jeu qui fera défaut à beaucoup. On est dans un push-your-luck assumé et efficace. Suffisamment efficace pour qu’une compétition amicale de comparaison de scores se mette gentiment en place.

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Trois spectres dans une même foulée, Lucien et Hadrien n’avaient aucune chance.

 L’ambiance visuelle est très réussie, suintante et angoissante comme il faut. Les illustrations sont obscures et reflètent plus la perception d’un enfant terrifié dans l’inconnu le plus total plutôt que la plate réalité. J’oserais trouver ça réussi. Le thème et les mécaniques se complètent bien. Trop terrifié, nous fuyons. Nous perdons donc la manche à cause de ce défaut de bravoure. Nous retombons sur la même salle? L’angoisse et l’incertitude s’accumulent, nous laissant à portée de nouveaux effets négatifs.

Comme peut l’être Joust, Deepwail est un jeu très direct. Une course en avant. Pas de pause, pas de superflu. Le jeu se joue d’autant plus vite mais marque d’autant moins. Comme peut le faire Joust aussi. Loin d’être en manque de fluidité toutefois, Deepwail se trimbale facilement et se joue comme un petit solitaire dans les moments ou les jeux sur téléphones ne sont plus aussi tentants. Deepwail se concentre sur des décisions qui constituent les fondations du jeu de société. Dois-je activer mon pouvoir ? Dois-je arrêter là ? Le jeu se propose tout aussi bien à deux, facile à expliquer et créant un objectif plus concret (un adversaire extérieur à soi-même. Marre de l’introspection) mais ne sera jamais le clou de la soirée. Certaines combinaisons du pouvoir des enfants alliés aux effets des pièces peuvent amener un élément de réflexion supplémentaire salutaire à quiconque en voudrait un peu plus. A vous de trouver de nouvelles façons d’utiliser au mieux le courage de ces chérubins, à la fois lors du choix du duo et de la façon de l’activer.

Vous pouvez vous procurer gratuitement le jeu içi. Grail games, un éditeur australien, s’est montré intéressé dans une adaptation commerciale officielle. Seul le nom du jeu a filtré mais puisque leurs premiers projets et leur speech introductif incluent de tout petits jeux comme Elevenses for one, ça semble bien coller.

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