La sainte trilogie des Ours

Entre deux montages fastidieux de 512 pions custom double face, entre deux parties de 512h de diplomatie et de twillight imperium, on se ferait bien une petite pose rigolote ou délirante, impliquant un flagrant manque de limites, pas mal de rire, peu de préparation et des possibilités infinies.  Vous pensez que je vous décris un party game ? Pas loin. Et pourquoi ne pas pousser le roleplay un peu? Les jeux d’impro, d’association d’idées ou de mots sont légion. Prenez l’excellent Petits meurtres et faits divers, par exemple, l’intriguant imprimable someone has died ou les très fameux il était une fois et Oui, Honorable parrain. Pourquoi alors ne pas dévier de temps en temps vers de petits JDR sans pression dans lesquels même des non-habitués peuvent s’y retrouver ? Vous l’aurez compris, S’échapper des faubourgs, achilles heel et baston d’nain n’étaient que des entrées en matières, des appâts, de dangereuses portes ouvertes vers des délires ludiques sans fond.

Impossible, une fois les bases posées, de ne pas mentionner les jeux qui suivent, dont les concepts respectifs ne cessent de m’émerveiller. Internet, cette magnifique source de bordel constant a en effet vu naitre, sans aucune logique apparente, trois RPG dont les protagonistes sont des ours. Autant les regrouper. De plus, ils partagent quelques caractéristiques supplémentaires en commun. Tous trois sont extrêmement rapides à expliquer, à mettre en place, à conclure. Tous trois sont source d’hilarité constante et propices à toutes les folies.  Tous trois sont gratuits, tiennent sur environs une page et conviennent à débutants comme à confirmés. Tous trois impliquent que les ours ont… évolué dans une direction bizarre.

J’ai nommé: Drunken bear fighter, Honey heist et Bears doing things.

Drunken bear fighter

Dans drunken bear fighter, vous jouez le rôle d’agents d’une organisation secrète russe dévolue à la répression de la menace des ours bourrés qui foutent le dawa dans les bas-fonds de la Russie moderne. Ours barons de la drogue  bourrés, Ours bourrés ninja, le jeu ne se prend d’office pas au sérieux et promet plutôt une bonne dose de baston, d’absurdité et d’accents à mourir de rire.

Drunken bear fighter a été écrit par Grant Howitt en une petite heure et s’avère, de son propre aveu, à peu près fonctionnel (« barely functionnal. Bizarrely popular. Please do not play this game. »). Le pitch du jeu lui confère une célébrité qui ne cesse d’abasourdir son auteur.

Pour exemple, cette partie lancée sur le net (en anglais) qui implique de crier beaucoup et de mettre la pâtée à un chef de gang dans un lavomatique laveur de cerveau. Un autre exemple de partie (personnelle cette fois-ci) se résumerait par les apparitions marquantes d’un ours bourré cyborg avec des tronçonneuses à la place des mains vociférant en auto-tune, d’une armée d’aspirateurs roombas bardés de couteaux maintenus au gros scotch, d’ours bourrés en bulldozer et d’un caïd ours bourré (qui se révèle être Gérard Depardieu Himself) du cocaïno-miel qui tente de s’exiler dans l’espace via une navette remplie d’autres ours bourrés.  Que dire de plus ?

Vous, peut-être.

Le système n’est pas novateur pour un sou et un joueur rompu à cet exercice se sentira d’entrée de jeu à l’aise. Ce qui fait la force de cette expérience ludique réside définitivement dans son merveilleux pitch, propice à tous les délires. Contrairement à ses deux camarades ci-après, Drunken Bear fighter nécessitera un maitre du jeu capable de préparer un tant soit peu son aventure.

Les règles tiennent sur une simple page dont voici la version originale, suivie de la version traduite. Il existe même une version ultra pocket en anglais.

If you’d like to play DBF, I really can’t recommend it. But I also can’t stop you.
Grant Howitt

honey heist

Grant Howitt est aussi le créateur du second jeu de notre trilogie du jour. Une petite fascination pour les ours peut-être ? Pas spécifiquement, car G.H. est le prolifique créateur de nombreux autres jdr, gratuits et rapides ou complexes et payants n’impliquant généralement aucun ours (du moins officiellement). Citons rapidement Warrior poet, doctor magnethand et the witch is dead parmi les gratuits titillant mon intérêt. On dirait un peu mon Experimental Playground du jdr. Soutenez-le.

Les rôles sont renversés dans cette mouture car ce sont les joueurs qui incarnent les ours dans ce qui promet d’être le plus gros casse de miel de l’Histoire. Un groupe de ces animaux se dirige vers la Miel Expo (Honeycon) de l’année en cours pour y dérober avec plus ou moins de talent et de frénésie  le grand trésor plus ou moins mielleux qui y est présenté.

Seulement deux stats sont utilisées: Ours et criminel. Toute action qui n’est pas spécialement liée au fait d’être un ours tombe sous la catégorie criminel et de vos succès ou échecs dépendront votre efficience future. Toutefois, être un peu trop efficace dans l’une des deux catégories peut vous mener à la fourrière ou à la trahison. Vous serez les seuls ours à la miel expo qui est un événement tout à fait humano-centré (comme tout le monde qui vous entoure). Répétons-le pour plus d’emphase dramatique; vous êtes des ours ! Vous ne baragouinez que quelques mots d’humain ! Démerdez-vous avec ça.

Les prémices d’Honey Heist vous sont offertes sur un plateau dès la phase de création des personnages. Maitre du jeu, pas besoin de bosser comme un malade pour préparer la session, ça sera déjà suffisamment compliqué pour les ours avec ce que vous pouvez improviser grâce aux conditions proposées par la fiche de jeux. Vous pouvez aussi prendre exemple sur cette incroyable partie en langue française ou, en langue anglaise, sur celle-ci et celle-là (sautez à 13:16 pour son début).

Image tirée de la partie d’Honey Heist en podcast de fandible.

Voici les règles en anglais que Grant n’a jamais pris la peine de transcrire en PDF (le format étant trop mignon, on ne lui en veut pas) et la version française générée non sans talent par Gulix. Une page, gratuit et 5 minutes d’explications max pour se mettre dans le bain. Fastoche.

A roleplaying game in which you are a bear with a plan, but unfortunately you are also a goddamn bear. Grant Howitt

bears doing things

Bear doing thing, en sus d’être le JDR le plus foutraque de cette liste est aussi le plus énigmatique. Pas de créateur attitré, pas de site web.  Seulement quelques mots, copiés-collés de forums oubliés en forums confus et chaotiques.

Un peu comme dans Honey Heist, seulement deux stats, oursitude et faire des choses, accompagnées toutefois d’un bearadigm (crédours ? convictiours? do(urs)ctrine? idéourslogie ? à vous de voir), un point de vue sur le monde si puissant qu’il agit comme une compétence (ex: « on peut faire confiance aux joueurs de tuba » ou « roter fait voler les ours »).

Le but du jeu est de compléter des objectifs personnels générés  par les joueurs en début de partie et répartis entre eux un par un selon la méthode de prédilection du MJ (aléatoire, marrante, mesquine…). Vous sentez le danger ? L’objectif « lire le journal » n’est pas conseillé mais celui de « devenir président » est cité. Encore un concept qui va nous amener dans la stratosphère de l’imagination.

Barman ! À boire !

Prêt à… être un ours et à… tenter de faire des choses ? Les règles, en français et en anglais, ici. Encore une fois, gratuit, ne tient sur presque rien et extrêmement facile à mettre en place; même pour les plus timides.

One of my player bears drove a car down the road, got pulled over by a cop, then, using only grunts and bear sounds, convinced said cop that he was not in fact a bear, and that the poor officer was mistaken.

Avec tout ça, vous voila prêt à passer une bonne soirée probablement constituée de rebondissements improbables, d’ours impayables et de crises de fun mémorables. Et si vous préférez rester dans le jeux de société, vous pouvez toujours combattre des ours par-ci par là (ou içi et ) mais avouons-le, ça n’est pas exactement le même délire.

Pour finir sur ces titres et résumer ce que donneront vos parties de ces quelques jeux verbaux, les mots maladroitement traduits d’un incroyable auteur de BD:

 Il existe des astuces et des outils pour rendre les choses drôles. Un des trucs, c’est de chercher l’exact opposé de quelque chose. […] Regarder à l’opposé de quelque chose est une façon d’y trouver de l’humour. Tom Gauld

C’est officiellement la fin de mon aparté rôliste. Retour ensuite aux jeux de société pur et dur. Vous savez maintenant qu’il existe à la périphérie de votre hobby tout un monde qui en partage des caractéristiques. Gratuits, inventifs, ne nécessitent que l’impression de quelques feuilles et ne s’éloignant des exercices d’improvisation JDS que par une atténuation de leur encadrement, tout un nouveau pan ludique se révèle ainsi. Peut-être qu’un jour je reviendrais titiller nos fibres rôlistes en décrivant certains de mes favoris, Everybody is John pour sûr mais aussi Yes but, Scie Dracula, Vengeance aveugle, All outta bubblegum, roll for shoes, there are no contradictions, the endless metaspiral, we’re all going to die, actual cannibal shia labeouf, the tearable rpg et big mutherfuckin’ crab truckers, entre bien d’autres.

Besoin de plus de détails ? Envie d’en savoir plus sur d’autres titres étranges ? Il suffit de demander.

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Un commentaire Ajoutez le vôtre

  1. angela quidam dit :

    « Please do not play this game. »
    Il pouvait s’attendre que ça donne envie d’y jouer, quand même, un tel « scénario » et un tel pitch 🙂
    Merci encore pour ton article qui fait découvrir pas mal de jeux apparemment bien funs. Reste plus qu’à prendre le temps de les tester

    J’aime

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